Sur la route de nos rêves, paroles de détenus

Atelier, Création |

Dessins Sur la Route de nos rêves

Huit détenus de la Maison d’arrêt d’Angers racontent leurs rêves en sons et en mots.

A la rentrée 2014, l’association Cinéma Parlant (Angers) me demande si je suis intéressée pour animer un atelier à la Maison d’arrêt d’Angers. Je réponds OUI sans hésiter. Cela fait des années que j’y pensais, que je cherchais des pistes sans trouver la bonne porte. Pourquoi cet intérêt? Difficile à dire. Je crois que j’aime me retrouver face à des personnes en situation que j’estime extrême. Que je pense que des choses importantes peuvent se jouer entre elles et moi. Que cela génère une certaine densité relationnelle, si la confiance est là. Peut-être que c’est cela. Ou autre chose.

En tout cas, me voici engagée. Avec un contrainte majeure pour moi : ne pas trop parler de leur situation de détention. En Maison d’arrêt, ce n’est pas comme en prison : les gars y sont pour de courtes peines, ou en attendant un procès. C’est un moment vécu comme provisoire. Pas trop envie de remuer ce qui se joue, du coup. Soit, mais moi, mon matériau de prédilection, c’est la parole; ce qui me donne envie de faire ce métier, c’est la rencontre. Alors comment faire? Je repense à la phrase d’Axel dans le film Arizona Dream, d’Emir Kusturica : « Si tu veux voir l’âme de quelqu’un, demande lui à quoi il rêve ».

Et voilà comme en février-mars de cette année, Amadou, Jordan, Jessy, Cyril, Kevinio, Speed-R, Djengo et Bosco * se retrouvent avec moi pendant cinq séances dans la salle d’activité de la vieille bâtisse de la Maison d’arrêt d’Angers. Leurs rêves commencent par des dessins, se poursuivent en textes qui seront enregistrés, puis en sons fabriqués sur place pour la plupart. J’ai emmené une caisse avec tous les objets de bruitage. Mais la Maison d’arrêt est un lieu de débrouillardise : en à peine une demi-heure, Jessy a fabriqué une guitare avec une chaise retournée et du fil de pêche. Cet instrument donnera la petite musique de Sur la route de nos rêves.

Je suis ébahie par la sensibilité aux sons de tout le groupe. La prison est un lieu où l’oreille devient centrale : c’est elle qui fait le lien entre l’intérieur et l’extérieur. C’est frappant au moment du mixage où ces hommes, qui n’ont jamais fait ça de leur vie, font preuve d’une pertinence déroutante quelquefois!

Au bout de ces 18 heures d’ateliers, c’est dur de les quitter. Nos relations ont été très bonnes, juste ce qu’il faut de rudesse pour me rappeler où je suis. Le climat de confiance ne va pas de soi dans un milieu où j’interviens une alarme accrochée à la poche de mon pantalon, où la porte de l’atelier est fermée à clé, où je dois surveiller que les objets ne disparaissent pas, etc. Et pourtant, entre eux d’une part, entre nous d’autre part, le temps de l’atelier en tout cas, nous avons su nous construire un espace de complicité bienveillant.

Sur la route de nos rêves a été réalisé, en partenariat avec l’association Cinéma Parlant, dans le cadre des actions culturelles proposées aux détenus, tout au long de l’année, par la Ligue de l’enseignement des Pays de la Loire.

A l’écoute : Sur la route de nos rêves  6’26

Une réponse à Sur la route de nos rêves, paroles de détenus

  1. Merci pour ce beau document sonore, c’est très touchant.
    Je souhaite de tout cœur à toutes ses personnes d’approcher au plus prêt leur rêve, voilà un beau moteur.

    Sed

    Douillard le 18 mai 2015 à 12 h 38 min

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